Quelle soirée de merde. (ALLEN H.)

Quelle soirée de merde. N'ayons pas peur des mots : si la journée avait été catastrophique, la soirée ne valait pas beaucoup mieux. Prenons les choses dans l'ordre chronologique. Huit heures, Carmen se lève du pied gauche. Onze heures, elle oublie qu'elle devait retrouver Reid une heure plus tôt. Quatorze heures, elle se coupe avec un verre pendant une répétition. Dix-neuf heures, elle se retrouve seule dans son appartement, s'apprêtant à passer une soirée en compagnie d'Eugénie Chantal II, son poisson rouge, et de son poste de télévision anonyme. Car les célébrités aussi ont droit à leur quart d'heure de solitude, en tête à tête avec soi-même. Alors, pour échapper à ce rendez-vous obligatoire, que faire? Sortir était une idée. La jeune femme se décida pour un club de jazz situé dans le quartier de Brixton, attrapa son sac à main et elle était partie, abandonnant ses comparses de la soirée dans la pénombre de l'appartement vide. Elle prit sa voiture, une petite voiture qui n'était pas tape-à-l'oeil. Sur son chemin, Carmen passa devant l'immeuble où vivait Liam : elle ralenti, ralenti encore... Et finalement accéléra de nouveau. Il n'y avait pas de lumière à sa fenêtre, il était probablement sorti, ou en compagnie... Non, il était sûrement sorti. La seconde option la dérangeait plus, voilà pourquoi elle préféra s'en tenir à la version la plus agréable pour elle.

Sans aucune difficulté, la jeune femme pénétra dans le club à l'ambiance feutrée. Sur la scène, un musicien jouait du Charlie Parker. Son niveau n'égalait pas celui du maître, mais il était tout de même assez doué, et Carmen n'eut aucun mal à applaudir à la fin du morceau. Lovée dans un canapé en velours, la jeune femme savourait les qualités du jazzman, quand une ombre surgit au tableau; Allen Hayes, A peine était-elle arrivée que Hayes faisait son apparition, gâchant le peu de bonne humeur qui restait en Carmen. Cette prétendue mannequin à l'ego surdimensionné et à la langue bien pendue n'en finissait pas d'agacer notre brunette.
Elle la suivit du regard quelques longues minutes, avant de décider de se lever afin d'aller se chercher quelque chose à boire.

« Un café, s'il vous plaît. »

L'homme qui tenait le bar s'éclipsa, juste le temps pour Hayes d'arriver, elle aussi. Carmen lui lança un regard noir. Elle s'intima de ne rien dire, mais finalement ne put se taire plus longtemps.

« Qu'est-ce que tu fous là ? »

Lança-t-elle avant d'allumer sa cigarette et d'en tirer une taffe. Quand même, quelle soirée de merde.