Somebody to love | Pv. Athe

« Merde ! Ca me saoule ! » C’était toujours pareil ces derniers temps. Incapable de se ressaisir, Neel avait le syndrome de l’écrivain, de la feuille blanche. Sa poubelle était trop pleine de boules de papiers froissés, raturés, mauvaises inspirations, mauvaises chansons. Il en avait assez. Habituellement l’encre coulait à flot, et c’était productif, là c’était une toute autre histoire. Pourtant, il avait de quoi faire, mais il refusait d’écrire des chansons sur sa propre expérience à présent. Il voulait absolument changer, aborder quelque chose de nouveau, mais malheureusement pour lui le naturel revenait toujours au galop. Et tout ce qu’il en ressortait c’était une chanson d’amour non réciproque. Que c’était triste. On ne fait pas un album de rock chanté par Holly sur sa propre expérience, sur la relation entre lui et Athenaïs, la jeune batteuse du groupe. Enfin si on pouvait appeler ça une relation. Il est vrai que les médias s’y intéressaient tant leur relation était ambiguë, et tant le couple parfait Holly-Dan n’attirait pas les foules car trop amoureux. Mais pourtant, il était impossible d’apprendre quoique ce soit sur Neel et Athenaïs. De toute manière qu’avait-il à dire ? Qu’ils passaient du bon temps sur un commun accord ? En réalité il pouvait en dire bien plus, mais ça deviendrait vite ingérable. Il voyait bien les gros titres : ‘Neel Lincoln amoureux, sa dulcinée l’ignore.’ Ca ferait office de pub au groupe, mais il n’y avait rien à en retirer pour le groupe, au contraire, Neel était bien forcé de se dire célibataire endurci, ça attirait les foules bien sur.

Après avoir jeté un énième bout de papier, il avait posé doucement sa guitare au sol et s’était jeté sur son lit, allongé, fixant le plafond en soupirant. Pourquoi était-il si obsédé par la ravissante brunette ? Pourquoi était-il incapable de le lui dire ? Il avait tant peur de sa réaction. On pouvait dire que c’était bel et bien la première fois qu’il était amoureux, et ça prenait des proportions dérangeantes. Du coup, il attendait comme le messie leurs petits moments à deux, qui étaient toujours difficiles à caser puisque le groupe n’était que très peu séparé, voulant absolument garder leur unité, et bosser sur leur nouvel album, mais également pour contrecarrer les accusations des médias. De plus Holly se posait des questions, et ça ne la regardait en rien. Il espérait seulement qu’Athenaïs ait gardé le secret. Et puis ça rendait la chose encore plus intéressante que de vivre dans le secret. Il réfléchissait. Devait-il tout lui déballer ? Il regarda sa montre. Plus que quelques pauvres minutes, il se releva et se mit à ranger comme il le pouvait, que ce ne soit pas en bordel. Il plaça sa guitare à côtés des autres, sur un des nombreux socles. Il changea de t-shirt, il opta pour un t-shirt rouge qui n’avait rien d’exceptionnel, mais dans lequel il se sentait à l’aise. Il souffla, il se rendit dans la cuisine, il avait besoin d’un rafraichissement. Il hésita un instant entre une bière et un soda. Il opta pour ce dernier, quelle serait la réaction de la benjamine du groupe si d’entrée de jeu il puait l’alcool. Pas fameux.

Voilà elle sonnait déjà à la porte. D’un coup d’œil il vérifia que tout était en ordre et il fit mine de prendre son temps pour s’approcher de la porte, ouvrant cette dernière, il arborait un sourire qui ne le trahissait pas le moins du monde, et il la contempla un instant, sans rien dire.

" Holly, peux pas venir ce soir, ai attrapé la crève du siècle. Sors avec Daniel, vous vous êtes peu vu cette semaine. Et pense à moi. T'aime. "

Envoyé. Voila une bonne chose de faite. Au moment où elle recevait l'accusé de réception, Athenaïs gravit la dernière marche de l'escalier menant à l'appartement de Neel. L'ascenseur ? Pour les mauviettes, elle avait des jambes et savait s'en servir, surtout pour grimper trois malheureux petits étages. Et pourtant elle ne se sentait pas si bien, malgré que l'excuse donnée à sa meilleure amie ait été fausse. Elles n'avaient jamais eu aucun secret entre elle et aujourd'hui, elle lui cachait un des plus importants de sa vie. La vérité est qu'elle considérait sa meilleure amie comme inapte à comprendre ce qu'elle faisait, à partir du moment où c'était avec Neel. Cette guerre entre les deux personnes les plus importantes de sa vie l'exaspérait au plus au point car, même si elle ne ressentait rien pour le jeune homme, il restait un excellent ami qu'elle ne voulait pas perdre. Elle espérait bien que jamais le conflit n'éclaterait entre les deux car ça serait, de un, la fin du groupe, et de deux, le pire choix qu'elle eut à faire. Elle s'efforçait donc de ne pas y penser et de se dire qu'elle allait passer une bonne soirée mais il n'y avait rien à faire, elle restait effroyablement énervée contre elle même d'avoir encore du garder pour elle ce qu'elle rêvait de raconter depuis des mois. Elle sonna donc deux ou trois fois, espérant fortement que la porte s'ouvrirait vite.

Pas de chance, le petit Neel avait justement choisi le mauvais jour pour la faire attendre délibérément. Au bout de 2 minutes, Athenaïs avait déja perdu sa faible patience et s'apprétait à appuyer sur la poignée, connaissant la porte comme ouverte, de toute façon. Mais au moment où elle la saisissait, elle s'ouvrit d'un coup sur un Neel visiblement détendu et souriant, habillé d'un t-shirt rouge que d'ailleurs elle n'aimait pas tellement. Tant pis. Sans vraiment le saluer, pas même pas un sourire, elle l'écarta de devant la porte et rentra, un peu trop rapidement pour cacher qu'elle était énervée. Elle jeta comme à son habitude son manteau dans un coin de l'entrée et enleva avec délection ses chaussures qui lui meurtrissaient les pieds. Ah, elle se sentait beaucoup mieux. Elle se tourna vers Neel avec un petit sourire.

« Désolée Neel, c'est ces chaussures, tu sais. Une catastrophe, carrement .»

elle s'approcha un peu de lui, les mains sur les hanches.

« Ca va toi ? »

Ca y est elle était enfin là. Il avait compté chacune des heures de la journée attendant fermement son arrivée. Plus que d’occuper ses pensées, elle les avait carrément colonisées. Elle était là devant ses yeux, mais elle s’y trouvait tout le temps. Dans sa tête, dans ses rêves les plus fous, les plus inimaginables, dans son cœur, dans ses textes, dans ses chansons, dans ses émotions. Bref, Athenaïs se révélait être sa seule et unique obsession. Mais pour lui, c’était une chance de se sentir ainsi, même si certains, hors du groupe évidemment, puisqu’il ne s’aventurait pas à raconter tout ça à qui que ce soit, pas même à Daniel, lui rappelaient qu’il n’y avait en aucun cas de l’amour dans l’air pour la jeune fille, et qu’il devait se faire à l’idée. Trop dur pour lui. Il se connaissait bien, chaque moment en sa compagnie ou non devenait une torture interminable, mais il appréciait chaque seconde avec elle comme si c’était la dernière.

Il aurait pourtant cru qu’elle aurait été heureuse de venir. Apparemment ça ne semblait pas être le cas, puisqu’elle le poussa nerveusement directement dans la maison. Des journalistes l’avaient suivie ? Ou Holly avait appris quelque chose ? Ou avait-il fait quelque chose de mal ? Son sourire avait vite laissé place à une incompréhension totale et une expression de gêne, traduite par ses mains qu’il venait de mettre dans ses poches, intimidé. Et de lui laisser croire que ce n’était que les chaussures le laissait perplexe. Il n’était pas dupe. Quelque chose se tramait, et il comptait bien apprendre la nouvelle, même si elle pouvait s’avérer blessante. La regardant droit dans les yeux, et pourtant un tantinet mal à l’aise, il lui répondit, gardant toujours ses mains dans les poches qui étaient en train de détruire ses poches tant ses doigts s’avéraient crispés :

« Eh bien…Oui ça va, la routine…Et toi ? Tu as vu Holly Barbie Girl aujourd’hui je présume ? »

Donner des surnoms ridicules à la meilleure amie de la jeune Olivers n’était pas la meilleure chose à faire, mais Neel ne parviendrait jamais à totalement se contrôler lorsqu’il s’agissait d’elle. Pire il se sentait obligé de lancer les hostilités, allez savoir pourquoi. Mais il ne laissa pas le climat tendu s’installer, qu’il fit déjà volte-face, énergique, et proposa :

« Je te sers quelque chose à boire ? Bière, champagne, cidre, vodka, whisky, ou…sodas… ? Ou plus soft…de l’eau… »

A mesure qu’il énumérait, il se sentit légèrement faux, alors il revint à ce qui le gênait :

« Quelque chose ne va pas non ? C’est en rapport avec moi ? »

Quel con. S’il s’écoutait, il se serait déjà jeté sur elle, mais la raison l’emportait, il voulait savoir et abordait un terrain dangereux. Il demeura un moment silencieux, de nouveau il la regardait, divaguant à un tas de choses auxquelles son esprit le transportait. Il ne se rendit même pas compte qu’au fur et à mesure, il se rapprochait d’elle, sans toutefois la toucher… pour l’instant.

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