• i could win the world for you ... {Eileen*

Sereine. Pour la première fois depuis bien longtemps, Eileen se préparait à sortir sereinement. Et la cause de tant de bien-être n'était rien d'autre que la personne qu'elle rejoignait. Son Preston. Preston était son photographe, du moins le photographe des Maniacs. Ses journées devaient d'ailleurs être d'un calme pesant ces derniers temps, puisque le groupe ne se présentait plus nulle part, restant simplement dans sa léthargie ridicule et sombre. Trop sombre. Mais Preston n'était pas seulement une de ces personnes aux ordres du groupe. Il était aussi un ami, un frère, un confident. Il savait la faire rire ou pleurer. Et avec lui, en sa présence, elle retournait toujours en enfance. L'enfance. L'insouciance, le côté paisible de la vie. Avec lui, tout avait un sens, avec lui, la vie avait quelque chose d'agréable, de posé. C'était Preston. Et qui plus est, lui n'avait pas changé. Il était toujours autant présent pour elle, si ce n'est plus. Un jean délavé et une chemise rouge à carreaux empruntée à Noah, le tout sur un marcel blanc. Eileen ne faisait pas compliqué. Du moins pas avec lui. Elle savait qu'il la prenait telle quelle. Avec son tic de se mordre la lèvre. Il la prenait en entière, sans virer ses défauts. Et ne la jugeait pas.

Soho. Eileen approchait du quartier où elle avait rendez-vous avec son ami. Étrangement, elle ne pensait pas tellement à Leeroy aujourd'hui. Ou bien si.Parce qu'elle pensait toujours à Leeroy, que cette date, que sa mort la hantait. Mais elle essayait comme elle le pouvait de mettre ça de côté le temps de quelques heures, d'une journée & d'une nuit. Elle avait cette envie folle de s'amuser, de sortir de ce quotidien déprimant et de faire comme si tout était rose. Juste une journée. Juste une nuit. Juste en sa compagnie. Elle n'avait même pas pensé à prendre son portable, ou peut-être avait-elle fait exprès de l'oublier... Elle ne voulait être là pour personne, elle voulait simplement vivre pour elle quelques heures. Était-ce égoïste que de se ressourcer un peu ? Que de se faire plaisir, que d'essayer de se faire vivre ? Essayer de raviver la flamme. Celle qui lui donnerait réellement envie de s'en sortir. Parce qu'elle souhaitait réussir. Et qu'elle y arriverait. Surtout qu'elle pouvait compter sur Preston, qu'il serait là, et qu'elle aurait toujours cette épaule sur qui pleurer. Heureusement d'ailleurs. Enfin, elle y était. Elle se dirigea vers le hall pratiquement vide et défia la salle d'un regard curieux. Où était-il ? Lorsqu'elle le vit, Eileen ne put s'empêcher de lui sourire sincèrement. Sans faire semblant, avec lui, la vie était simple.

« Mon Preston, toujours à l'heure ! » Elle avait toujours eu cette habitude de l'appeler en utilisant un pronom possessif. Depuis le début de leur relation. Elle lui claqua un léger baiser sur la joue. Bien qu'elle ne l'eût pas vu depuis quelques semaines, il n'avait pas changé. Il était toujours aussi beau et avait toujours cette tête et demie de plus que lui. Blague. C'était normal.

[C'est nul moi >< ]

« Mmmm ... Toujours pas grandi toi ? » Eileen émit une mince grimace. Un sourire. Mi-figue/Mi-Raisin. Il était tellement unique, ce grand bout de bonhomme valait au final tellement plus que les autres. Les liens qui les unissaient étaient si forts, si différents. Tellement plus originaux. Rien n'avait et ne pourrait desserrer ce qu'ils s'étaient acharnés à tisser au cours de l'année précédente, ensemble, toujours ensemble. Rien. Strictement rien. Pas même la mort de Leeroy. Surtout pas ça. Au contraire. Ses relations avec le reste du groupe se détérioraient à chaque instant qui les éloignait de ce vingt aout, alors que parallèlement, Preston et elle restaient intacts, soudés dans la douleur. Et dans l'adversité. La relation floue, infantile qu'elle entretenait avec Preston était en fait tout simplement, tout naturellement des plus sincères. A peine arrivé, le beau blond lui avait lancé un petit pic destiné à la faire rire. Le retour aux sources. Elle laissa son rire tinter, remplissant le vide du hall d'une joie non dissimulée. Il s'y prenait si bien, la connaissait tellement. Elle et ses façons de faire. Elle et ses façons de réagir. Elle et lui. Tout. Du minimum à l'infinité en passant par l'anodin. « Oui... Mais tout ce qui est petit est mignon, malheureusement pour toi... » Elle arqua alors un sourcil de façon ambigüe. Elle se sentait bien lorsqu'elle le savait près d'elle, parce que cela signifiait tout oublier et avancer. Comme le calme qui vient après la tempête. Le beau temps après la pluie. La vie colorée, sans tache, sans ombre. Avec lui, tout roulait, tout correspondait à bonheur. Avec lui. Ils étaient de toute évidence sur la même longueur d'onde, et ce depuis leur rencontre. Un grand frère, un frère avec qui on peut jouer, pleurer ou dormir. Il représentait le frère qu'elle n'avait jamais eu.

Il n'avait pas tort. Il valait mieux quitter le hall d'entrée de l'hôtel avant qu'ils ne se fassent repérer. Ils voulaient être ensemble et la simple vue d'un flash tâcherait leur journée qui commençait plutôt bien. Elle sentit le bras de Preston se refermer sur ses épaules tandis qu'une douche chaleur envahissait instantanément son intérieur. Il lui avait manquée. Plus qu'elle n'avait pu l'imaginer. Eileen marcha alors jusqu'à la réception où elle demanda gentiment la clé de leur réservation. La femme, accoudée au bureau, leur donna le trousseau portant le numéro 007. Illumination. Une pensée, un sourire, un rire. Le tout pour James Bond. Leur séjour s'annonçait des plus... étonnants. Elle ramassa le trousseau. La réceptionniste la regardait, ou plutôt la scrutait sans gêne. Raclement de gorge. Eileen fit un sourire des plus hypocrites. « Oui, c'est bien moi. Je suis bien Eileen, un des membres des Maniacs. Le groupe qui s'enfonce un peu plus chaque jour et qui ne vaut aujourd'hui quasiment plus rien. Et vous, qui êtes-vous ? Nous sommes venus pour profiter de votre hôtel et pour s'amuser. Si vous ramenez les journalistes, vous entendrez parler de moi encore longtemps. » Quoi ? Les enfants ne faisaient-ils pas des bêtises ? Elle regarda la vieille chouette avec un regard menaçant et s'éloigna entraînant Preston dans sa course. « Oui, Preston est mon amant.. Mais ne vous inquiétez pas, nous ne ferons pas trop de bruits. » hurla-t-elle dans l'air du hall avant de s'engouffrer dans les couloirs de l'hôtel. Puis une fois cachée de la vieille mégère, elle expira longuement et rigola de nouveau. Ah l'enfance... Cet élan de joie la poussa à se lover contre le corps du jeune homme. Elle adorait se retrouver dans ses bras, c'était une sensation très différente de ceux de Noah. Elle préférait évidement ceux de son amoureux, mais dans les bras de Preston, qui était bien plus grand et plus fort qu'elle, elle se sentait protégée du monde entier. Elle s'écarta finalement lorsqu'elle sentit tous ses sens en ébullition. Il était temps de commencer. Temps d'ouvrir les portes du monde imaginaire. Le monde de l'insouciance et de l'enfance. Une belle escapade les attendait. « AU GALOOOP MON PRESTON ! A LA RECHEEEERCHE DE LA CHAMBRE 007 MON DADA ! » cria-t-elle tout en sautant sur le dos de son ami. Elle laissa sa tête tomber en arrière lui donnant pour seule vue le plafond orange pale des couloirs du bâtiment. Elle se sentait bien. Surtout sereine. Elle serra un peu plus fort ses bras autour du cou du jeune homme, sans pour autant l'étrangler puis laissa son visage s'approcher de l'oreille de son confident. « Tout ça m'avait manquée mon Amour de Preston. Tu m'avais manquée... » murmura-t-elle avant de lui déposer un léger baiser sur la tempe. Avec lui, il n'y avait plus d'ombre à son quotidien. Seulement un soleil violent aux odeurs presque trop enivrantes. Pourquoi trop violent, trop enivrant ? Parce que de ce soleil elle ne pourrait désormais plus se passer.

Bien sur qu’il en avait de la chance. Il n’avait pas besoin de le dire à voix haute. Eileen était consciente de ce qu’elle valait. Ironie mal placée. Humour incompris. Eileen ne savait pas quoi penser des paroles du jeune homme. Et étrangement, contre toute attente, elles restaient coincées dans sa mémoire. Pourtant, la belle les aurait bien faites partir. N’importe où. N’importe comment. Les mots prononcés par le beau blond la chatouillaient, la dérangeaient quelque peu, sinon beaucoup, bien qu’elle ne voulût l’admettre. Mais qu’est-ce qui dans la phrase « Ouaah ! Ce que j'en ai de la chance ! » L’embêtait tant que ça ? C’était un compliment, une phrase gentille prononcée par celui qu’elle considérait tel un frère. Mais bordel. Quelque chose ne collait pas. Quelque chose dans tout ça n’avait pas sa place. La phrase en elle-même n’avait pas sa place ici. Oui. Là était le fond du problème. Eileen ne portait pas chance. Bien au contraire. Et cela, elle l’avait bien compris à son insu. Le destin avait toujours mal fait les choses quand il s’agissait d’elle. Ou du moins, il les faisait mal depuis plus de deux mois. Il ne fallait plus parler de chance, pas devant elle, non, pas avec elle. La chance ne représentait qu’un mot bouffon de plus, un mot stupide, sans intérêt & complètement faussé au fil des années. Au fil du temps. Ineptie de la langue. Et puis merde. Bordel. Pourquoi se prenait-elle la tête maintenant ? Pourquoi se triturait-elle autant les méninges ? Cela ne servait strictement à rien. Preston n’avait pas fait exprès. Et il ne remarquerait même pas son erreur, chose tout à fait normale étant donné que c’est elle qui divaguait complètement de façon incohérente. Ne penser à rien d’autre que le moment présent. C'est-à-dire ne penser à rien d’autre que Preston. La chose s’avéra finalement plutôt simple à effectuer. En même temps, comment ne pas arriver à oublier ses soucis en pensant à lui, et qui plus est, et étant près de lui, dans ses bras. Tout oublier, avancer. C’est ce qu’Eileen fit en grimpant sur le dos de Preston. L’enfance était à ses yeux la plus belle période de la vie. Parce qu’au moins, en enfance, tout était simple. Et Preston le lui prouvait. Sans cesse. Toujours. Une belle amitié, de jolis liens solides. Peut-être que oui, peut-être qu’il y avait finalement une part de chance dans tout cela… Peut-être. Il fallait y croire. Mais qui disait croire disait aussi ne pas avoir peur d’être déçu(e), de tomber. Or Eileen craignait tout ceci. Tout ce manque de confiance, toute cette incertitude. Malheureusement, tout le monde vivait dans l’incertitude. Et la vie savait le leur démontrer chaque jour qui passait. Inlassablement. Enlevant presque les parfums enivrants de la foi, de l’envie & de l’espérance. Parce que non, il ne fallait plus rien espérer.

Un léger pincement au cœur, un petit crescendo des battements de son cœur. Il venait de l’appeler Elle. Il n’y avait que lui pour lui donner de tels surnoms à l’histoire romanesque. Seulement lui. Et à chaque fois qu’il l’appelait ainsi, son cœur loupait un battement, comme absorbé par la clarté de ses mots, par la beauté de ses dires. Sur son dos, elle se sentait grande, presque puissante. Elle avait cette sensation bizarre qu’ici, collée à lui, rien ne lui arriverait, que rien ne les dérangerait. Que personne ne gâcherait ça. Non. Personne. D’en haut, elle était forte, telle une reine, elle avait les pouvoirs. Mais… Est-ce l’enfance qui fait dire de telles conneries ? Un sourire ridicule apparut sur son visage. Sourire que Preston ne vit pas d’où il était. Dommage. Il venait de perdre une occasion de se moquer d’elle, gentiment bien entendu. La chambre 007 pointait le bout de son nez, au bon moment. Il était certainement temps que Preston se repose un peu, histoire de reprendre son souffle. Quoi ? Vous pensez réellement que les supers héros ne sont jamais fatigués ? Stupidité. C’est comme les mannequins ça, on les pense belles. Ce sont les maquillages qui sont beaux, pas elles. Preston, son super héros à elle, était habile. Il fit de nouvelles prouesses en ouvrant la porte, la refermant & en déposant Eileen sur le lit. Il faudrait qu’ils échangent leurs rôles un jour, histoire de bien se marrer. De rire aux éclats. De crever de leur conneries maladives. Allongée sur le lit, Eileen regarda le plafond. La sérénité la gagnait rapidement, c’était l’effet Preston ça. Essayé & adopté. Un regard extrêmement rapide en direction de son ami, de son confident. Il reprenait son souffle. Serait-elle tant lourde ? Peut-être était-ce dû à la tablette de chocolat qu'elle s'était enfilée la veille en espérant que le temps la séparant des retrouvailles avec Preston passerait plus vite. Évidement, cela n'avait aboutit à rien. Ah si. Il lui faudrait désormais une journée de sport pour perdre tout ça. Quelle déduction lente que celle d'Eileen.

Preston se mit sur elle, à califourchon, ou du moins quelque chose qui y ressemblait grandement. Cette position ne la gênait pas le moins du monde. Au contraire. Elle aimait être proche de lui. Sans idées ambiguës, ne l'oublions pas. Mais ce rapport physique qui s'imposait toujours entre eux ne les dérangeait pas. Leur relation avait débuté avec autant de touchers, et cela ne s'amoindrissait pas avec le temps. Tant mieux puisqu'elle avait besoin de sa présence pour se sentir bien. Un sourire espiègle lorsqu'il parla. Elle tenait sa réponse. « Tu sais mon Preston que si, par malheur, des journalistes nous trouvent comme ça, notre image à tous les deux sera ruinée... C'est ça qui est plaisant ! » dit-elle avant de rire à pleins poumons. Son image n'avait plus réellement d'importance, de toute manière, elle était déjà bien négative. Alors un peu plus un peu moins. Ce fut sur cette touche sévère que Eileen se mit à hurler, tout ça lorsque les mains de son blond préféré se posèrent sur ses hanches en agitant leurs doigts habiles. Tout ça pour la faire mourir de rire. Mais quelle belle mort.