Eileen Laurens {N\'oubliez jamais qu\'il faut vivre} OK

Un an, ça fait un bon moment tout de même, finalement. Ce que je foutais de ma vie l'année dernière ? C'est une bonne question. J'ai jamais fait le point sur cette année désastreuse, pourquoi pas ici, maintenant, avec vous ? Pour ne pas mentir, il y a un an, je n'étais plus grand chose, voire plus rien. Ou du moins, plus rien ne me donnait envie d'être quelqu'un, d'être moi. Avant la mort de Leeroy, c'était un paradis. Le vrai. Le grand. Le magnifique. Je passais mes journées à tanguer entre le groupe, mes meilleurs amis & Noah. Tout allait bien, tout était simple. Les Maniacs marchaient plutôt bien, on avait même notre place parmi les plus grands. Mais la gloire ne dure qu'un temps. Seulement quand j'y repense, je ne peux pas m'empêcher de me dire que ce n'était pas notre heure, et que nous avions encore des tonnes de choses à donner au monde. Mes souhaits ? Oh eh bien, rien ne s'est réalisé comme prévu. Aidan a tué Leeroy, un des membres de mon groupe mais aussi mon meilleur ami, ainsi que celui de Noah, mon ancien petit ami. Et depuis ce jour, depuis c'te pxtain de date où ce salopard de Aidan a buté un de nos atouts, tout a changé. De touté évidence, perdre un coéquipier et un ami ne pouvait que laisser de grosses cicatrices.

Le groupe n'a pas réellement supporté le choc, il est mort prématurément, mais cela ne change rien, il est mort. Je crois qu'on a pas réellement essayé de le remettre sur pieds, on a jamais tout donner pour rendre hommage à Leeroy, pour continuer de faire exister ce qui l'avait rendu célèbre. Oui, c'est bien ça, quoi qu'on en dise, on a strictement rien fait. Par contre, on a tous été extrêmement doués pour plonger au fond du gouffre, sans rien faire pour s'en sortir, ou alors juste en surface. Parce qu'à l'intérieur, au lieu de se parler, de rester soudés, chacun crevait à chaque instant de cet adieu incompris, de cet écho de la mort, mais personne n'en disait rien. Foutu ego de merde que l'on a dans ce foutu monde fait de paillettes artificielles. J'ai fait de mon mieux pour surmonter tout ça, dans mon coin, en silence, puisque Noah criait toute sa haine pour deux. Donovan ? Oh eh bien, oui, il aurait pu être la roue de secours si nous n'avions pas été aussi hypocrites avec lui, moi comprise. Pourtant, j'étais la première à demander quelqu'un, à vouloir faire remonter le groupe dans les hits. Donovan était patient, gentil et ne disait rien. Je pense qu'au final, son silence l'a sauvé. Il a réussi, il a tout ce dont il rêvait : la gloire, la reconnaissance. Et il jouit enfin de sa passion. Je suis heureuse pour lui, il a finalement bien fait de partir, avec nous, il perdait son temps. Alors voilà, les Maniacs n'existent plus, ils sont complètement dissous, autant au niveau de la musique que du reste d'ailleurs. Chacun mène sa petite vie comme s'il n'y avait rien eu, que se passerait-il si on se croisait dans la rue aujourd'hui ? Je n'en sais rien, et cela m'effraie. Il me reste cependant Céleste, ma meilleure amie. Je l'aide du mieux que je peux, mais aujourd'hui, j'ai appris une chose, il faut avant tout se battre pour soi, vivre pour soi. De nouveaux groupes sont sur les devants de la scène désormais, ils s'en sortent d'ailleurs bien, ils ont repris le flambeau. Les Maniacs auront vécu quelques temps, trop peu de temps, mais vécu. Et le plus tragique dans toute cette histoire, c'est qu'ils sont entrés dans l'histoire pour leur affreuse fin, et non pour la bonne musique qu'on faisait.

Aujourd'hui, je ne suis plus avec Noah. De toute manière, ça ne marchait plus. Il n'a vécu que pour venger Leeroy, et m'a complètement laissée de côté. J'ai pourtant essayé, oh oui, j'ai tout fait pour lui. J'ai supporté pendant huit mois ses crises quotidiennes, j'ai toujours fermé ma gueule su son comportement stupide, sur sa nouvelle façon de voir les choses. Mais rien n'y faisait. Il n'avançait plus. Et moi non plus. La rupture ? Une bonne idée ? Je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est que ça a fait le tour des journaux, évidement, tous les malheurs sont bons à prendre dans ce monde. Malgré tout ce que je force à faire pour me convaincre que c'est mieux ainsi, il me manque. Énormément même. Mais il s'en est allé chez lui, chez ses parents. Je n'ai d'ailleurs jamais compris son choix, il les détestait. En fait, pour ne pas mentir, je ne le comprenais plus depuis bien longtemps. S'il venait à revenir ? Oh, je ne le pense pas... Il m'arrive encore de rêver de son retour, presque chaque nuit en fait, de rêver d'un nouveau départ sans encombres. Mais peut-être a-t-il oublié... Et puis ce n'est peut-être pas une bonne idée. Finalement, ma vie sentimentale est un réel désastre. Je suis amoureuse d'un homme dont je n'ai plus de nouvelles, mais je suis trop têtue pour admettre qu'il me manque. Je le cache d'ailleurs comme je peux.

J'ai complètement changé de voie. Du tout au tout. Ou presque. La scène à proprement parlé ne m'intéresse plus. L'idée de revivre ce cauchemar une deuxième fois ne me tente absolument pas. Alors j'ai tenté ma chance ailleurs. Je joue désormais au London Symphony Orchestra. Du piano bien sur. C'est différent, certes, mais c'est pas mal. Tout est plus calme, on joue de la musique pour jouer de la musique, et non pour apparaître en première pages des magazines. Ce n'est pas déplaisant, au contraire. Alors oui, j'ai certainement bien changé. Je passe beaucoup de temps avec mes amis, ceux d'avant, et d'aujourd'hui. Particulièrement avec Oliver. Il a une vision des choses qui me plaît, et il faut dire qu'avec lui, on oublie forcément tous nos soucis. Je me sens bien quand il est prêt de moi, mais ce n'est qu'un ami. Enfin je crois... Je ne sis pas sure de pouvoir oublier Noah aussi rapidement, et je ne suis même pas sure d'en avoir l'envie. Je verrais bien. Tout vient à qui sait attendre, dit-on...

Il y a un an, je ne ressemblais plus à rien, je n'étais plus moi-même. Le suis-je aujourd'hui ? Je n'en sais rien. Peut-être toujours pas. Ce qui est certain, c'est que je vais mieux.